Cryptos en France - Didier J. MARY (blog) (2024)

L’Europe est plutôt pro-blockchain et crypto-actifs, certains pays étant plus positifs que d’autres. Et il y a une raison presque maladive à ça : la peur de passer à côté de quelque chose (FOMO!), que d’autres pays utiliseraient pour conquérir le monde, au détriment des européens… C’est assez pathétique à voir… Je ne vais pas faire le point pays par pays, mais je vous propose un petit survol de la situation des cryptos en France, pour mettre les points sur les “i” et les barres sur les “t” spécifiquement.

Comme souvent, malheureusem*nt, le gouvernement français a tendance à perdre la boule, dès que l’on parle technologie ou innovation… En parallèle, nos dirigeants ne perdent pas le Nord, sachant très bien qu’ils vont pouvoir arroser leurs réseaux de subventions toutes fraiches, même si l’arbre à billets tend à ne pas produire pour les services utiles à la population (Santé, Justice, Education…).
Et les actifs numériques ont donné et continuent à donner lieu à de magnifiques danses du ventre…

Mise à jour 5/12/2023 : Le gouvernement français, ayant “délégué” la formation des chômeurs à des sociétés privées, permet que des cours de sensibilisation à la blockchain d’une demi-journée soient organisés par Binance. Ils reçoivent à la fin plein de goodies de la marque et un diplôme NFT, après inscription sur le site de l’exchange, bien sûr, ce qui ouvre la porte à de nombreuses “actions marketing” par mail… A lire ici (EN).

Sommaire

  • Régulations
  • Investissem*nts
    • Investissem*nt “Françafrique” ?
    • Web3 et NFTs
      • Qui est derrière Dogami?
  • Bonus
    • Binance
    • Et maintenant l’IA…
  • Voir aussi :

A garder en mémoire pendant la lecture de ce post :
Annoncer que la blockchain et les cryptos sont des “innovations technologiques” est aussi ridicule que de considérer les méthodes de Bernie Madoff comme des “innovations financières”.

Souvenez-vous, à l’automne de l’année dernière, juste avant le krach de FTX : “Avec des acteurs mondiaux de la culture, des jeux vidéo et de l’industrie du luxe, la France a tout pour devenir une plateforme européenne et mondiale des NFTs. Nous devons accompagner ce mouvement avec le soutien de l’argent public, dans le cadre de France 2030“.

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Cryptos en France :
“Le gouvernement français veut soutenir l’industrie des NFTs avec des fonds publics” – à lire sur BFM TV.

Et ce n’est pas seulement là que le bât blesse…

Régulations

Courant 2022, pour mettre en place le système de régulation des cryptos sur le marché français (pour mémoire, au niveau européen MiCA n’était pas encore validé), les différents pouvoirs en place ont pas mal bataillé…

L’AMF (Autorité des Marchés Financiers), la Banque Centrale et le Sénat par un amendement en décembre 2022, souhaitaient que les différents acteurs de l’écosystème crypto soient rapidement obligés d’obtenir un agrément avant d’exercer.

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Mais le gouvernement n’en voulait pas… Tu m’étonnes, les réseaux de copains étaient dans les starting-blocks, prêts à lancer une razzia sur l’épargne populaire…

Au final, l’Assemblée nationale écarte le 24 janvier 2023 les amendements visant l’agrément obligatoire et tranche pour un enregistrement renforcé des PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques).

L’enregistrement est donc uniquement renforcé pour les nouveaux entrants par des exigences telles que la ségrégation des actifs et la gestion des conflits d’intérêts, ainsi qu’un agrément optionnel évolutif auprès de l’AMF.

“Un certain nombre d’entreprises de premier plan, dont Binance, se sont enregistrées auprès de l’AMF. L’enregistrement implique des contrôles sur la gouvernance des entreprises et le respect des règles anti-blanchiment. Aucun prestataire n’a encore obtenu de licence, une procédure volontaire prévue par la loi française”.

Voir en fin du billet ce qu’il en est de Binance aujourd’hui…

L’écosystème s’était beaucoup réjoui, bien évidemment…

“Ce choix ne met pas en péril l’innovation”, dit l’ADAN, Association pour le Développement des Actifs Numériques, qui fédère les acteurs de l’industrie crypto-blockchain en France.

Ah ? Mais de quelle innovation parle-t-on ?

L’affaire ne s’est pas clôturée là pour autant, car des navettes ont continué de circuler entre le Parlement et le Sénat.
D’autant que tout le monde devait se préparer à l’arrivée de MiCA (Markets in Crypto-Assets) au niveau européen, qui a finalement été votée en avril 2023.

Si en premier lieu, tout le monde a salué l’arrivée de MiCA, beaucoup d’opérateurs ont commencé à déchanter lorsqu’ils ont découvert que se faire agréer n’est pas aussi facile, suivre à la lettre les obligations règlementaires est complexe, coûteux et énergivore, et que l’Europe est déjà en train de faire évoluer sa législation, ayant constaté des “trous” à combler… (Voir le billet sur les cryptos en Europe.)

Investissem*nts

Mais pendant ce temps, la France a été prise d’une folie furieuse, se rêvant en “stratège industriel et numérique de la blockchain et des crypto-actifs”, projection ambitieuse mais “hors sol”, et a utilisé entre autres BPIFrance, la banque publique pour l’innovation, qui a commencé à investir dans diverses escroqueries fraudes startups FinTech…
Je ne vais citer que 2 exemples pour moi frappants pour cette stratégie cryptos en France, et si vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à les ajouter en commentaires.

Pour mémoire, BPIFrance se présente globalement ainsi : “Notre objectif est de favoriser la croissance de l’économie française en aidant les entrepreneurs à prospérer. Nous sommes également l’agence française pour l’innovation, délivrant des programmes massifs aux entrepreneurs innovants.

Entrons dans le détail…

Investissem*nt “Françafrique” ?

Le FMI, en novembre 2022, avait signalé qu’il convenait de commencer à règlementer les cryptos sur le continent africain : Africa’s Growing Crypto Market Needs Better Regulations The risks from crypto assets are evident—it’s time to regulate.

Le graphe ci-dessous, extrait du billet du FMI, contient quelques informations intéressantes, même si l’on sait que la réalité peut être très différente sur le terrain. Mais, j’attire votre attention sur le Cameroun, où les crypto-actifs sont explicitement bannis. (Je consacrerai un billet spécifique à l’analyse de l’écosystème dans les pays d’Afrique à aujourd’hui, dont, bien sûr, la Centrafrique…)

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Malgré cette interdiction, le scandale Liyeplimal a beaucoup fait parler de lui et il suffit de lire par exemple Arnaques financières: Émile Parfait Simb, le Madoff camerounais ? pour avoir une petite idée des dégâts. L’intéressé est semble-t-il désormais en fuite (en Russie ?), après être passé par la case Centrafrique (grand ami de la Présidence qui lui aurait offert un passeport diplomatique). A noter qu’au début de ses “activités” dans les cryptos, entre MLM et Ponzi, il fut grandement loué par certains AfroActivistes financés par Evgueni Prigojine (Wagner), qui a depuis quelques années créé une cellule de désinformation active sur le continent.

En 2020, une nouvelle startup (EN) “FinTech” basée à Douala, au Cameroun, lance “une plateforme permettant à l’Afrique francophone d’accéder à diverses offres d’investissem*nt abordables [à partir de 1000 FCFA !] : actions fractionnées, crypto et plus” et lève en 2021 $2M pour démarrer (Seed).

Fin 2022, après le krach FTX, ce “portefeuille décentralisé”, basé en partie sur la blockchain Tezos lève $8M en Series A (à lire ici – EN).

Ce qui est fascinant, c’est qu’à côté des investisseurs historiques ou “habituels” sur un tel tour-de-table en Afrique, on trouve une structure que l’on n’attend pas “du tout” :

“London-based venture capital firm Anthemis co-led the growth round alongside crypto-focused fund Dragonfly Capital. Anthemis is a follow-on investor in Ejara, having also led the fintech’s $2 million seed round announced last October.”
“Participating VC firms in this new financing include other follow-on investors Mercy Corps Ventures, Coinshares Ventures and Lateral Capital–and new investors such as Circle Ventures, Moonstake, Emurgo, Hashkey Group and BPI France [sic!].”

Pour être clair : BPIFrance, une banque publique française, donc directement rattachée au gouvernement de la France, a investi dans une plateforme crypto au Cameroun, où, a priori, les cryptos sont interdites. Est-ce du crypto-capitalisme ou du crypto-colonialisme ? On nous prend vraiment pour des jambons…

Si vous avez quelques souvenirs de la période “Françafrique”, il y a de quoi se poser de nombreuses questions…

Bien sûr, la société a obtenu l’agrément d’exercer en France, et sa fondatrice, d’abord passée par les jeux d’argent en ligne (Betclic) comme beaucoup dans les actifs numériques, est sur tous les plateaux et concours, entre USA et Europe, pour prêcher la bonne parole de la crypto-révolution pour sauver les “pauvres” Africains :

“She masterfully contrasts the American and African perspectives on wealth and financial systems, illuminating the stark barriers that exist in the latter. As she unveils these challenges, a beacon of hope emerges – the transformative potential of blockchain technology. This revolutionary tool, she proposes, could redefine African wealth, break down economic walls, and bridge the financial divide. However, she underscores the importance of education as a crucial factor for ensuring lasting impact and leveraging this opportunity. It’s an inspiring call-to-action that urges us to rethink wealth creation in Africa, and indeed, the world. Nelly is a renowned Data leader and an outspoken advocate for African financial inclusion and the potential of blockchain to transform the continent. In 2020, she launched her start-up ejara.io, Africa’s first non-custodial cryptocurrency wallet and mobile investment platform uniquely tailored for Francophone Africa and the diaspora. After earning her degree in computer science and MBA from HEC Paris and London Business School, Nelly has spent the last 15+ years across Europe and the United States building expertise in emerging technologies, traditional finance, and Web 3.0 [Web3 !!!!] through her participation in several directorial boards and executive committees. She also leads the Tezos Africa foundation with chapters spanning several regions. In her own words, “Ejara came from a vision that I have, which is to allow everyone, no matter where they are in Africa, to be able to create, increase and protect their wealth and savings. The royal purple lion represents our form of the future.”

TEDx Talk promotionnel “Reimagining African Wealth through Blockchain”

Le discours classique de toutes les entreprises du secteur : l’éducation des masses, l’appel à l’inclusion et le lion prédateur… Il ne manque que la référence “Bank the Unbanked” pour boucler la boucle…
Tout cela est proprement révoltant, et ne peut que mal finir comme toutes ces entreprises qui finalement ne sont que des véhicules de détournement et de blanchiment de fonds…

Bien évidemment, cette “créatrice d’entreprise” est louée par tous les AfroCryptoShills et autres afro-activistes mouillés dans les cryptos jusqu’au cou…

Update 5/10/2023 : sur l’affaire “Limocoin”, l’un des jetons de l’escroquerie Liyeplimal, un lobbyiste aurait influencé un élu français à en parler… Manipulation présumée du député Hubert Julien-Laferrière par le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, l’élu s’explique

Web3 et NFTs

Quittons l’Afrique, et revenons en Europe, en Suisse même !

Et vous n’allez pas le croire… Voici comment le gouvernement français envisage sa stratégie industrielle pour répondre aux challenges de demain…

BPIFrance, toujours eux, a participé à une levée de fonds de $7M pour Dogami, une plateforme Web3 et NFTs où l’on peut “adopter des chiens mystiques sous forme de NFTs, basés sur un crypto jeton, chargés par des êtres célestes de protéger la terre.” (Communiqué de Presse BPIFrance)

Non, je ne me moque pas de vous du tout !

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Puis, les NFTs chiens que vous avez adoptés donnent naissance à des chiots NFTs et le jeu vous paie en crypto jetons.. pour acheter encore plus de chiens NFTs, etc.

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Vous pouvez bien sûr placer (stake) vos “Doga coins” sur la blockchain Tezos (ah tiens !)…

We are excited to be developing an original intellectual property that blends world-building, unique environments, and authentic characters to create a truly immersive experience. Our brand, born in Web3, will deliver media experiences through NFTs, allowing audiences to connect with our world in new and exciting ways.

Qui est derrière Dogami?

Ce projet suisse totalement délirant, mais on en a vu d’autres, dont le siège est à Paris, a fait sa levée de fonds initiale en janvier 2022, pour $6M, avec entre autres Ubisoft, Animoca Brands (les jeux préférés des nord-coréens !), et Tezos (version anglaise sur Wikipedia, qui permet de voir les liens avec la France, via OCamlPro, et la Suisse, entre libertariens, le crypto-paradis de Zug et le “scandale” de la belle époque des ICOs – en anglais).

Le second tour de table en décember 2022, a permis de lever $7M en seed funding avec le VC XAnge, Wagram Capital, Blockchain Founders Fund et, donc, BPIFrance (lire ici).

Je me suis moqué plus haut d’Animoca Brands, mais pour redevenir sérieux, c’est une société de Hong Kong, spécialisée dans les jeux et le capital-risque, créée en 2014 par Yat Siu. Elle détient près de 400 investissem*nt liés aux cryptos, y compris Axie Infinity (hacké en 2022 pour $625M), OpenSea (dont l’activité a chuté de 99% en 2023, et qui est surtout connue pour son wash-trading), ex-Dapper Labs (devenu Venrock – “Venture” + “Rockefeller”) et les inoubliables CryptoKitties. Beaucoup de NFTS et de Play2Earn, donc.

Voilà, je vous ai présenté 2 investissem*nts “remarquables” pour la stratégie industrielle française, qui, on le voit bien, travaille réellement à fond dans l’innovation et pour le futur de la nation…

Les Cryptos en France, quelle histoire ! Dans les 2 cas présentés, ça ressemble furieusem*nt à des coups de pouce donnés à des copains… non ?

Il faudra peut-être que quelqu’un pose des questions sur les liens entre la fondation suisse autour de la blockchain Tezos et le gouvernement français…

Bonus

Cela devient coutumier, dès que je prépare des notes pour un billet, l’actualité me rattrape, et je dois faire évoluer mes plans d’écriture !

Binance

Nouvelle du jour : Binance, principale plate-forme mondiale d’échange de cryptomonnaies, visée par une enquête en France (Le Monde).

“La société est soupçonnée d’avoir adressé des publicités à des clients français hors du cadre légal jusqu’en 2022 et d’avoir manqué à ses obligations de lutte contre le blanchiment.”

Lire aussi : Reuters – 16/6 (EN)

On peut lire dans certains papiers “blanchiment aggravé”… ce qui est une qualification normale lorsqu’on connait un peu les systèmes mis en place par ces casinos offshore.

Paris et Dubaï sont les deux “places de marché” (hubs) stratégiques pour Binance, puisqu’officiellement l’entreprise n’a pas de siège social, ni de bureaux.
Changpeng Zhao (CZ) a même rencontré Emmanuel Macron en 2022, comme le montre l’image ci-dessous.

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L’activité de Binance est enregistrée et régie comme PSAN en France. CZ nie actuellement le rapport d’enquêtes, et indique qu’il ne s’agissait que d’une inspection de routine, comme pour toutes les autres plateformes crypto…

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A suivre, donc…

Et maintenant l’IA…

Comme partout depuis quelques semaines, les cryptos en France font désormais place à l’Intelligence Artificielle… Quelle blague !
Encore une crise de FOMO aigüe !

Nous allons investir comme des fous !
L’argent magique existe donc bel et bien pour alimenter la prochaine bulle spéculative…
Qui se souvient de Qwant, Cloudwatt ou Numergy ?

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Si seulement la même motivation existait pour l’Education, la Santé et la Justice…

Si vous voulez voir comment une bulle se crée presque en temps réel, je vous recommande de lire ceci (EN).

Voir aussi :

  • EU et UK – Cryptos en 2023

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